Face à une situation de plus en plus préoccupante en matière de gestion de l’eau, la Tunisie se voit dans l’obligation de réviser ses tarifs afin de répondre aux défis posés par la crise hydrique qui frappe le pays. Cette révision est désormais perçue comme une mesure indispensable pour assurer la durabilité des ressources en eau et garantir leur gestion responsable à long terme.
Saoussen Ben Nasr, directrice adjointe de l’unité de modélisation à l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (ITCEQ), a annoncé qu’en collaboration avec l’Agence française de développement (AFD), l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (ITCEQ) a réalisé une étude approfondie visant à fournir à l’État tunisien un modèle économique permettant d’évaluer les effets des changements climatiques sur l’agriculture et l’économie du pays. Cette étude a pris en compte l’ensemble des dimensions du secteur financier, en analysant notamment la rentabilité du secteur bancaire, les taux de crédit, ainsi que l’endettement des agriculteurs et des secteurs public et privé dans leur ensemble.
“Cette étude s’est concentrée sur l’impact des changements climatiques, en abordant deux scénarios. Le premier concerne l’impact du climat sur les récoltes agricoles, tandis que le second représente le scénario climatique le plus pessimiste, lequel est le plus proche de la réalité tunisienne”, a-t-elle souligné, lors de son passage ce matin sur les ondes d’une radio privée.
Ben Nasr a ajouté que les projections indiquent que les changements climatiques auront des répercussions notables sur le secteur agricole, avec une baisse de la croissance estimée à -0,5 % par an. En outre, près de 200.000 emplois risquent d’être perdus d’ici 2050, principalement dans l’agriculture.
Elle a également souligné que ces scénarios mettent en évidence un déséquilibre croissant dans les finances publiques de la Tunisie, avec une augmentation du déficit commercial et courant, ainsi qu’une dépréciation du dinar tunisien.
Deux hypothèses pour s’adapter aux changements climatiques
Face à cette situation, l’étude propose deux hypothèses principales pour aider la Tunisie à s’adapter aux changements climatiques. La première hypothèse repose sur une politique de compensation centrée sur l’agriculture, avec des investissements dans des stations de dessalement et la construction de barrages pour améliorer les ressources en eau. Toutefois, cette option entraînerait un endettement important et un accroissement des déficits économiques.
La seconde hypothèse, jugée plus favorable par l’experte, consiste à mettre en place une gestion plus rationnelle de l’eau, en investissant simultanément dans le secteur agricole tout en prenant en compte les secteurs du tourisme et de l’industrie. Cette approche inclut également des réformes économiques et des investissements dans la recherche scientifique pour améliorer la productivité du travail, stimuler la croissance et maîtriser l’inflation.
Dans le cadre de cette même étude, Ben Nasr a formulé plusieurs recommandations, dont la révision de la tarification de l’eau, jugée trop faible pour couvrir les coûts de production actuels. Elle a souligné que cette révision permettrait à la Société Nationale d’Exploitation et de Distribution des Eaux (SONEDE) de générer des ressources supplémentaires tout en encourageant une gestion plus économique de l’eau.
“Les tarifs actuels de l’eau sont bien trop bas pour couvrir les coûts réels de production et de distribution… Nous devons adopter une politique tarifaire qui permette à la fois de soutenir les investissements dans les infrastructures nécessaires et de promouvoir une gestion plus rationnelle de l’eau”, a souligné la responsable, tout en ajoutant que la révision des tarifs de l’eau en Tunisie apparaît comme une réponse directe à la pression croissante exercée sur les ressources hydriques du pays, exacerbée par les effets du changement climatique. Ceci est encore vrai à l’heure où l’eau devient, aujourd’hui, une ressource de plus en plus rare et précieuse et où le modèle actuel de tarification ne permet pas de soutenir les investissements nécessaires pour garantir une gestion durable de cette ressource.
En parallèle, la révision des tarifs est également vue comme une incitation à une utilisation plus économique et responsable de l’eau. “Il est fondamental d’encourager les Tunisiens à adopter des comportements plus responsables face à l’utilisation de l’eau”, a affirmé Ben Nasr, tout en ajoutant qu’une politique de tarification progressive pourrait être un levier efficace pour cette prise de conscience collective.
Ben Nasr a également insisté sur l’importance d’adopter des technologies modernes pour l’irrigation agricole, afin de réduire la consommation d’eau tout en préservant les récoltes. “L’irrigation de précision et les technologies d’économie d’eau doivent être au cœur des politiques publiques”, a-t-elle précisé, tout en rappelant le rôle crucial de l’innovation technologique pour limiter l’évaporation de l’eau et rationaliser son utilisation, contribuant ainsi à une gestion durable des ressources hydriques en Tunisie.
Finalement et non moins important, la responsable a souligné l’importance de renforcer les financements destinés à la mise en œuvre des politiques climatiques, notamment via des fonds internationaux tels que le Fonds vert pour le climat et le Fonds d’adaptation au changement climatique. Ces financements pourraient faciliter la réalisation de projets d’adaptation aux changements climatiques et soutenir l’investissement dans des solutions innovantes et durables. “Les défis auxquels nous faisons face exigent des réponses coordonnées et soutenues, et l’implication des partenaires internationaux est essentielle”, a insisté la directrice adjointe de l’ITCEQ.